Être ce que l'on est,
Les gros haricots Soissons trônent dans un immense bocal sur le haut du meuble de cuisine, il ne sont pas tarbais faute de quelques kilomètres et de cette terre noire qui est remplacée ici par des boulbènes limoneux lourds.
Ils ont pourtant poussé lentement à l'abri du maïs, et nous pouvions les voir croître depuis la fenêtre de cette cuisine aujourd'hui chauffée par la cuisinière dont le bois de chêne et d’acacia claque et craque.
Tout prêt de ce bocal en réserve de haricots secs, blanc et gros pareils à des fèves, sont les bocaux d'alicuit et d'abattis, confits de volailles grasses et maigre cuites dans la graisse d'oie et de canard, ici la simplicité est de tout mêler, le contraire de la pureté, qui en fait la richesse du goût.
Puisqu'il est hiver et que la lune ne se prête pas à jardin, il faut rencontrer ces bocaux. Commençons par une saucisse fraîche de porc noir gascon, grasse et odorante, la faire dorer dans une poêle d'acier, ici le Teflon est banni, mes poêles portent la croûte extérieure de dizaines d'année de cuissons sur les pianos de mon père et des grand oncles. La saucisse ronde enflée colore et brûle presque, jetant son suif gouteux.
Les haricots secs débarrassés des quelques brindilles attestant de leur origine toute locale, les quelques mètres qui séparent la cuisinière à bois du "casau" (jardin en gascon), gonflent dans un premier bain d'eau impure que je préfèrerai du puits, j'y pense.
La saucisse est roussie maintenant, je fait fondre la graisse d'un bocal d'alicuit et d'un d'abattis, c'est à chaque fois l'ouverture du coffre au trésor que d'ouvrir les bocaux de l'an passé, qu'ai-je pougné dans celui-ci des gésiers? non des ailerons, des cous, l'alicuit est plus pauvre, des pattes de poulet et de canard, des carcasses, juste pour le goût.
Pour rajouter encore à celui-ci un os du vieux jambon de deux ans, des couennes, du gras! Le gras c'est la vie!!!
Il est temps de rincer les haricots puis de les mêler à la viande, à ses sucs, au bouillon, quelques carotte du jardin entière car encore jeunes et petites, même pas pelées, le laurier du voisin, un peu de thym sauvage, de la sauge.
Deux petites bûches de bois sec pour activer la cuisinière. Le cassoulet puis qu'il en est maintenant, est en chemin dans l'immense cocotte de fonte...
Laissons le cuire et espérons ses odeurs, il sera meilleur demain. refroidi, dégraissé et recuit.
Aujourd'hui je suis seul et je tire une assiettée de ce cassoulet pas encore à point, j'en tire les morceaux qui me régalent, si bien que l'assiette en déborde presque.
La table est mise, un bouteille de vinaigre de vin maison y est placée, j'adore l'acidité qui relève le goût des haricots cuisinés et qui les rends parfaitement digestes.
Il faut accompagner ce moment d'onanisme gastronomique d'une grande bouteille de vin. Ce sera un Madiran, La cave est fournie et les merveilleuses bouteilles du domaine Laffont ou Labranche Laffont seraient un régal certaines sont vieilles et de très haute tenue, mais il en reste peu et il faudra les partager, avec quelques amis qui n'en prendront pas toute la valeur. D'autres en plus grande quantités sont trop jeunes, il reste à se diriger vers la cave du Père, il m'offrit toutes ses bouteilles faute de compagnons pour les boire, sur chacune des étiquettes, marqué à la main dans l'angle haut droit, le nom de celui qui lui offrit, Jean-Louis sur ce Madiran de 16 ans d'âge. Pour l’appellation, ce devrait être un vin idéal, point encore trop vieux pour s'être vidé de sa fougue et déjà poli par le temps pour laisser apparaître des arômes subtils et légèrement évolués.
Jean-Louis est un ami, un de ces paysans qui briguent et gagnent les concours de Taureaux reproducteurs, il fait du Blond, et vient de remporter un premier prix au Salon de l'agriculture de Paris! Comment, les années on emmenés ces paysans simples et merveilleux à vouloir absolument être plus fort que leurs voisins. Me revient cette pensée d'Albert Jacquart:
"La morale collective actuelle nous fait croire que l'important c'est de l'emporter sur les autres, de lutter de gagner... Il faut rebatir une société humaine où la compétiton sera éliminée. Je n'ai pas à être plus fort que l'autre, j'ai à être plus fort que moi grâce à l'autre."
Jean-Louis donc ce merveilleux paysan est devenu plus fort que les autres pour élever des taureaux reproducteurs machines immondes et difformes qui n'ont plus rien de naturel, mon cassoulet dont chacun des ingrédients est passé par mes mains, que j'ai aidé à grandir, que la terre a portés sous mon regard bienveillant et avec un tout petit peu de mon aide, que l'on appelle travail, ce cassoulet va donc rencontrer le vin de l'ami de mon père Jean-Louis meilleur éleveur de taureaux bodybuldés, qu'est-ce que ce Madiran.
Je n'aime pas regarder les étiquettes avant d'ouvrir mes bouteilles perdues, souvent les a prioris me font déjuger des vins et m'otent le plaisir de la rencontre fortuite.
Le nez est pauvre pour un vin de cet âge, il exhale bien des arômes de vin arrivé à son apogée mais tellement simples. La bouche est pire, les tannins sont secs et verts, c'est un désastre de Madiran décharné sans matière, ce n'est pas du Madiran.
Il est courant maintenant que les Bourguignons, fassent des vins colorés, murs et boisés, que les vins de Loire soient si mûrs qu'ils ne vous rafraîchissent pas et vous assomment, et que les Madirans édulcorés soient de petits Bordeaux de piètre qualité.
Il ne gachera pas mon cassoulet, demain j'ouvrirai avec des amis la quintessence!
Je n'ai pas besoin de lire l'étiquette, il s'agit d'une des nombreuses marque arborant le nom d'un château imaginaire crée par la coopérative dominant le Gers, et qui prétent faire survivre les paysans si noble de ce pays en vendant leur âme.
Il faut être ce que l'on est, se dépêcher d'être soi, s'y appliquer, pacager l'herbe de notre champs que nous connaissons parfaitement grâce au labeur de nos ancêtre, plutôt que de vouloir devenir ce que nous croyons meilleur. Manger du cassoulet de haricots tarbais, mêlés de viande de porc noir et de canard de barbarie confites. Et boire du Madiran tanique, subltil et puissant, tels les bras des paysans musculeux qui travaillaient les terres de Gascogne.
C'est l'avenir que d'être ce que l'on est.
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